Le Président de la République et le Gouvernement ont fixé à aujourd’hui, lundi 11 mai 2020, le premier jour du déconfinement. Ce déconfinement se fera de façon progressive et différemment département par département selon la couleur rouge ou verte qui a été définie en fonction du niveau de risque de circulation du virus. Nous savons tous que ce déconfinement va nous imposer dans notre vie quotidienne, des précautions particulières avec le maintien des mesures barrières et des règles de distanciation sociale. C’est à ce prix que nous espérons pouvoir éviter une deuxième vague d’infection à COVID-19.
Pendant ces huit semaines de confinement, nous, médecins, hospitaliers et libéraux, spécialistes et généralistes, avons fait face à une pandémie sans précédent. Les messages initiaux portés par le Gouvernement ont conduit de nombreux patients à reporter leurs soins en dehors de ceux dont la prise en charge était urgente ou pour qui l’absence de soins représentait une perte de chance. Aujourd’hui, le Président de la République et le Ministre de la Santé enjoignent les français à se faire soigner. Nous ne pouvons que saluer ce message clair et pourtant… Pourtant, nous, gastroentérologues et endoscopistes, constatons dans les faits que nous sommes empêchés de reprendre progressivement notre activité. Les secteurs d’endoscopie ne redémarreront que très progressivement, le plus souvent à moins de 50% de leur capacité dans de très nombreux établissements. Nos Directeurs de clinique ne cessent de nous expliquer qu’ils y sont contraints par les ARS et par la tension qui pèse sur le Propofol, le Midazolam et les curares. Certaines ARS nous demandent pourtant de reprendre une activité de consultation, de dépistage et de diagnostic. L’heure est venue de demander une clarification et une transparence sur ces injonctions contradictoires dont nos patients sont victimes et qui risquent d’engendrer une crise sanitaire par impossibilité de prendre en charge nos patients. Nous demandons une cogestion dans la mise à disponibilité des produits anesthésiques. Nous réaffirmons que les indications médicales ne peuvent être portées que par des médecins dans le respect des recommandations professionnelles des Sociétés Scientifiques et des Conseils Nationaux Professionnels. Nous devons nous opposer aux ARS qui, pour certaines, tentent de nous imposer des listes de pathologies qui seules pourraient être prises en charge. Les mesures prises dans certains établissements, imposant des tests virologiques par RT-PCR à tous les patients n’ont aucun sens chez les patients asymptomatiques. Nous savons que ces tests sont faussement négatifs dans 30 à 40% des cas.
Ces demandes ont été portées par les Spécialistes CSMF au niveau du cabinet du Ministre de la Santé. Nous attendons des réponses précises, transparentes et rapides sur ces différents points.
Pendant ces huit semaines de crise, nos cabinets ont profondément souffert sur un plan économique. L’État et l’Assurance Maladie ont mis en place un dispositif de compensation économique que je vous invite à effectuer. Mais cette compensation économique est insuffisante. Nous défendions une compensation à hauteur de 100% de nos charges et vous constaterez par vous-mêmes que le compte n’y est pas. Cela est particulièrement préoccupant pour le devenir de la médecine libérale et sa capacité à rebondir après cette crise sanitaire sans précédent.
Nombre d’entre nous ont travaillé dans des centres COVID, des tentes de tri installés devant nos services d’urgence ou des services d’hospitalisation COVID+. Une enquête menée par les Spécialistes CSMF montre qu’aucun de ces médecins spécialistes n’a reçu de rémunération. Nous demandons l’application immédiate de l’arrêté du 28 mars 2020 précisant la reconnaissance et la rémunération de notre activité dans les secteurs COVID.
Mais cette crise a également pointé du doigt deux absences de taille. La première est celle de nos assureurs habituels qui sont les grands gagnants de cette crise économique qui touche si durement toutes les couches de la population. Pendant que le monde économique souffre, pendant que les médecins et les professionnels de santé se sont remarquablement engagés au service de la population, nos assureurs ne nous ont été d’aucune aide. Pire encore, ils ont poursuivi les prélèvements de nos différentes cotisations et assurances en responsabilité civile professionnelle comme si de rien n’était. Le deuxième absent est la CARMF. Là aussi notre discours est clair. Trois mois sans activité, c’est trois mois sans cotisation. Les réserves de la CARMF sont largement suffisantes pour que cet accompagnement puisse avoir lieu. La Caisse de retraites des chirurgiens-dentistes a montré le chemin en différant de six mois les prélèvements qui seront étalés entre l’été 2021 et l’été 2022 et en apportant une aide financière significative à leurs allocataires. Il est temps que les administrateurs de la CARMF soient à l’écoute de leurs 125 000 allocataires. Leur silence depuis huit semaines est incompris par l’ensemble des médecins libéraux. Nous demandons au Président de la CARMF et à son Conseil d’Administration, une décision urgente et un soutien significatif qui ne peuvent plus attendre.
Dr. Franck DEVULDER
Mai 2020