Au mois de mars dernier, le CNP HGE a été saisi par la HAS au sujet d’un dossier déposé par un service hospitalo-universitaire d’hépatologie auprès de l’ARS d’Ile-de-France. Ce protocole s’intitule « Prise en charge des malades atteints d’hépatite chronique C sous traitement antiviral dans le cadre d’une consultation infirmière permettant l’adaptation et la reconduction de ce traitement en lieu et place de l’hépatologue ». Ce dossier a été examiné collégialement par le CNP HGE qui a émis deux réserves majeures :
– Le CNP HGE considérait que ce protocole ne pouvait voir le jour que s’il répondait à une difficulté d’accès aux soins des patients souffrant d’hépatite chronique C en Ile-de-France.
– L’adaptation thérapeutique ne nous semblait pas relever du champ de compétence d’une infirmière et, ce, même dans le cadre d’un protocole de coopération sanitaire.
A la lecture de ce protocole et devant la menace de transformer un protocole de coopération sanitaire en un transfert de compétences, nous avons officiellement saisi le Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins qui, lui aussi, a dû être interrogé par la HAS en charge de l’instruction de ce dossier, son avis étant, comme celui du CNP HGE, consultatif.
Le Collège de la Haute Autorité de Santé a rendu son avis au sujet de ce protocole le 27 septembre dernier. Considérant que la prescription de DOMPERIDONE par l’infirmier(e) n’est pas de nature à garantir une sécurité suffisante pour le patient, considérant que la place du médecin traitant n’est pas précisée, et considérant par ailleurs que les traitements que l’infirmier(e) est amené à adapter ne sont pas actualisés en fonction des avancées thérapeutiques et ne permettent pas de garantir une qualité des soins suffisante pour le patient, le Collège de la HAS n’est pas favorable à l’autorisation de ce protocole de coopération.
Au-delà de cet exemple se posent clairement les limites de la coopération entre les professionnels de santé. S’il va de soi que nous devons collégialement au sein des Conseils Nationaux Professionnels, réfléchir et être force de propositions pour que les délégations de tâches, sous couvert de la responsabilité médicale, puissent être envisagées, la ligne rouge est certainement celle du transfert de compétences. Cela a d’ailleurs conduit la HAS à refuser le protocole évoqué ci-dessus. Cela nous donnera d’autant plus de force si les recommandations écrites cet été par l’AFEF en vue de la réactualisation du rapport DHUMEAUX étaient reprises dans sa version finale. Transférer la compétence d’un hépatologue à une infirmière pour la prise en charge thérapeutique des patients souffrant d’hépatite chronique C au prétexte d’une difficulté d’offre de soins n’est pas admissible. A ce jour, la quasi-totalité des protocoles de coopération a été portée par des structures hospitalières se réclamant centre de référence du traitement de l’hépatite C mais dont les praticiens nous disent ne pas pouvoir assumer la prise en charge de leurs trop nombreux patients ! Sous couvert de coopération, ils proposent de faire faire par leurs infirmières le travail médical qu’ils ne peuvent assumer en écartant les médecins généralistes et leurs collègues libéraux !! Cette posture d’oublier sciemment de convier le SYNMAD à cette réflexion dans l’offre de soins et en écartant volontairement l’offre de soins que pourraient apporter les hépato-gastroentérologues libéraux est une faute. La version définitive de ce rapport n’appartient plus à son rédacteur mais à ceux qui, autour du Professeur Daniel DHUMEAUX, seront en charge de son écriture. Le SYNMAD restera particulièrement vigilant pour que les principes d’égalité et de libre prescription rappelés récemment par le Conseil d’Etat mais, également, pour que l’offre de soins puisse tenir compte de tous les secteurs de l’hépato-gastroentérologie.
Dr Franck DEVULDER
Président du SYNMAD
Octobre 2016 – 39
eJOURNALZSYNMADZ3ZOCTOBREZ2016Z-ZCooprationZprofessionnelle.pdf