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eJOURNAL 24 AVRIL 2017 – REFORME DES ETUDES MEDICALES : “ÇA PASSE OU ÇA CASSE”

Dans une récente tribune du Monde, il nous est dit qu’il est temps d’aller jusqu’au bout de la réforme du 3ème cycle des études médicales, celui qui permet d’apprendre une spécialité. Malheureusement, si la réforme avait du sens, le travail n’a pas été à la hauteur absence de méthode, absence de cohérence, absence de transparence.


La réforme était destinée à réduire la complexité et la juxtaposition des cursus monodisplinaires (sic), à assurer un meilleur suivi des étudiants lors de leur formation (contrat pédagogique personnalisée, avec 3 étapes d’évaluation) et à faire sauter des frontières entre spécialités. En gros, adapter la formation aux besoins et à l’évolution des spécialités, tout ceci en utilisant des outils modernes: enseignement numérique et simulateurs. On ne pouvait que convenir de l’intérêt de cette réforme. MAIS…

1) D’emblée, il n’a échappé à personne dans le milieu médical universitaire qu’il s’agissait aussi de répondre à l’importante augmentation du nombre d’internes alors qu’il n’est prévu qu’une faible augmentation du nombre d’assistants, l’assistanat étant l’étape après l’internat. La réforme va faire que pour un nombre croissant d’étudiants dans les spécialités dites médicales, la durée de la formation va passer de 6 années (4 + 2 de mise en responsabilité) à 4 années (3 + 1 de mise en responsabilité).


Donc la réforme correspondait certes une optimisation mais aussi à une contrainte, une espèce d’acrobatie pour faire admettre qu’il suffit d’être interne pour être bien formé, alors que dans le même temps, pour chaque spécialité, le nombre de connaissances et de compétences ne fait que croitre. Dont acte. Il importait qu’au moins le travail destiné à faire rentrer la formation dans ce temps contraint soit bien fait.

2) Le principal problème actuel est que le travail pour réussir ce tour de force n’a pas été à la hauteur,


Si on doit adapter la formation au besoin et à l’évolution des spécialités, but de la réforme, il faut dans un premier temps évaluer le besoin et prendre en compte l’évolution des spécialités.
C’est l’évidence. Cette évaluation n’a pas été faite. En effet,.. .

A) d’emblée, on a fait faux, en acceptant sans discussion cette réduction de durée de formation et surtout en décrétant d’emblée qu’il faut 4 ans aux spécialités dites médicales et 6 ans aux spécialités dites chirurgicales. Cet apriori est tout sauf une bonne base de départ du travail du fait…. de l’évolution des spécialités. Car un grand nombre de spécialités médicales sont devenues médico-techniques, en particulier l’hépato-gastroentérologie avec l’endoscopie digestive. Les frontières entre médecine et chirurgie se sont considérablement réduites du fait de l’apparition des techniques diagnostiques et thérapeutiques peu invasives. Très curieusement, alors que la réforme était faite pour adapter la formation à l’évolution des spécialités, elle s’est d’emblée enfermée dans un schéma obsolète, contraire à l’esprit de la réforme.

B) ensuite, il n’a pas été appliqué une méthodologie scientifique bien que nous ayons eu tout le temps pour le faire, puisque tout a commencé en 2014. Certes c’était un challenge mais : + il n’y a eu aucun travail pour mesurer le besoin en temps de formation pour chaque spécialité. Il n’a même pas été défini des indicateurs permettant de définir ce temps : nombre de codes diagnostic, nombre d’actes, difficultés des actes, nombre de sous-spécialités, nombre d’organes à prendre en charge, nombre de types de pathologie…

+ il n’y a eu aucune méthode de travail précise avec les enseignants ou au moins les représentants des spécialités. Les spécialités ont été reçues épisodiquement une par une mais cela n’a servi à rien (l’hépatogastroentérologie en février 2016). Elles n’ont pas été écoutées.

Il n’y avait pas de méthode et tout était figé.

Il n’y a en particulier pas eu de méthode pour arriver à un consensus entre deux spécialités quand celles-ci, du fait de l’évolution de la médecine, sont en charge des mêmes maladies. La DGS en 2005 pour réformer l’échelle des coûts des actes médicaux et chirurgicaux (CCAM) a su mettre en place une méthodologie en particulier pour évaluer le coût d’un acte en organisant des réunions structurées de confrontation entre spécialités hiérarchisant les poids des actes.


Alors qu’aujourd’hui toute évaluation de médicaments, de gestes diagnostiques ou thérapeutiques, toute rédaction de recommandations est conduite selon des règles strictes, sur des bases scientifiques, nous n’avons eu aucune démarche scientifique sur un sujet aussi important que la formation de nos étudiants. Pour la formation de nos étudiants, la méthode a été “ça passe ou ça casse”, au détriment des étudiants et d’abord des patients. En espérant que les outils numériques, les simulateurs, le contrat pédagogique nous aident. Belle méthodologie car les outils et le contrat ne diminuent pas la somme de connaissances et de compétences à acquérir (On a peut-être pensé que les étudiants apprendraient la nuit sur leurs ordinateurs ?). Risqué, surtout quand la tendance légitime actuelle est de renforcer la qualité des soins, la sécurité des soins, l’information des patients, …


C) enfin, il y a eu incohérence et une absence de transparence, pour ne pas dire plus, quand par exemple, 5 ans ont été accordés à la pneumologie et 4 ans à l’hépato-gastroentérologie. Alors que d’après les catalogues de l’assurance-maladie, le nombre d’actes et le nombre de diagnostics en hépato-gastroentérologie est bien supérieur au nombre d’actes et de diagnostics de la pneumologie. La section et board européens de gastro-entérologie et hépatologie, recommande 6 années de formation pour l’hépato-gastroentérologie, la dernière année étant consacrée à une formation plus spécialisée. Pour la pneumologie, c’est comme si un des responsables de la réforme avait admis les limites de la réforme pour sa spécialité de formation et celle de son fils. Cette absence de transparence est inacceptable et ne devrait plus avoir cours. Elle finit de discréditer le travail.


Dans le souci d’une formation adaptée et moderne et de la qualité des soins, la réforme doit être reportée. Celle-ci est nécessaire et doit être menée. Mais pas sans méthode, sans cohérence et sans transparence.

Pr Thierry PONCHON
Président de l’EGSE (European Society of Gastrointestinal Endoscopy)
Chairman du Public Affairs Committee et membre du Council
UEG (United European Gastroenterology)
Avril 2017

eJOURNAL_SYNMAD_24_AVRIL_2017.pdf

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